vendredi 15 août 2008
MEDJAHED HAMID entrevue
MEDJAHED HAMID À L’EXPRESSION«Chérif Kheddam me révéla la chanson kabyle...»21 Mai 2008 - Page : 20Lu 1176 fois
Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel», nous confia l’artiste.
Auteur-compositeur, interprète et producteur d’émissions, Medjahed Hamid est né le 6 février 1949 à Alger (la Casbah). Il capitalise un répertoire de 34 chansons à la Radio Chaîne II. Sa première chanson a été enregistrée le 29 décembre 1969 et la dernière le 20 juin 1998. Ses chansons ont été enregistrées à la RTA sous la direction de différents chefs d’orchestre: le regretté Maâti Bachir, Aliane Touhami, Teysir Akla, Mahmoud Aziz, Abdellah Kriou, Mohamed Mokhtari, Kamal Hamadi et Mohamed Guechoud. Il a composé des musiques à de nombreux artistes dont Nouara, Djida, Mouloud Habib, les regrettés Dahbia et Taous, Aït Meslayen, Karima, Meziane Rachid, Ouardia Aïssaoui et Nada Rihane. Il a produit, en outre, plusieurs émissions de variétés à la Radio Chaîne II dont la dernière Les chansons de demain de 1984 à 2004. Par cette émission, il a découvert plusieurs chanteuses et chanteurs...Enfin, il vient d’éditer chez Maâtkas Musique et ce, pour la première fois après 37 ans de carrière, trois volumes CD+K7. Dans cet entretien, Medjahed Hamid revient sur cette riche carrière et évoque avec nous ses projets et donne son point de vue sur la chanson kabyle d’aujourd’hui.
L’Expression: Vous êtes musicien, compositeur de chansons kabyles et pas seulement. Vous venez, après plusieurs années dans la musique, d’enregistrer trois CD. Pourquoi maintenant?
Medjahed Hamid: L’édition de ces trois volumes est venue suite à la demande du public. Je n’ai jamais pensé éditer, pour des questions de principe. J’ai commencé en 1969. D’ailleurs, le directeur de L’Expression et moi-même nous nous connaissons depuis cette date. Il a suivi tous les galas qu’on avait faits dans le temps. Je ne me considère pas comme un chanteur à vocation commerciale. Je pratique l’art pour l’art. J’ai la chance d’avoir mes fonctions ailleurs, en dehors de la musique. J’ai travaillé dans des ministères, des compagnies françaises, notamment de pétrole...
Et comment êtes-vous venu à la musique?
Ce sont les notes de musique qui sont venues à moi. En sortant de l’école, j’ai entendu des sonorités dans un endroit, aux environs de la Casbah, où il y avait des anciens musiciens qui jouaient. J’allais souvent y assister. J’avais 7 ans. C’est comme ça que j’ai été attiré par la musique. Je suis plus versé dans la composition musicale que dans la poésie ou l’écriture. Je suis kabyle né à Alger. J’ai commencé à m’exprimer en kabyle, à l’âge de 20 ans. Au début, je m’intéressais beaucoup plus à la chanson algéroise, du style Amar Ezzahi, Boudjemaâ El Ankis, El Anka. Au fur et à mesure que j’avançais en âge, j’approfondissais mes connaissances en matière musicale par la lecture de livres. Je joue de tous les instruments à cordes, à part le violon et un peu le piano. Je me suis mis à apprendre le solfège, à fréquenter des musiciens, à connaître les modes, à écouter l’oriental, l’occidental. J’ai découvert les Jean Ferrat, Cat Steven, Faïrouz, Blaoui Houari, Mahboub Bati, que Dieu ait son âme. Chérif Kheddam pour le kabyle. Grâce à lui, j’ai découvert qu’il existait de grands compositeurs kabyles. Chose que j’ignorais. C’est à ce moment que je me suis demandé qui j’étais, d’où je venais? et j’ai décidé d’apprendre la langue kabyle. Je maîtrisais déjà la composition musicale.
Et la composition est venue comment?
Par l’amour de la musique, de la recherche et de la création. J’ai commencé par le chaâbi puis j’ai découvert de grands noms de musiciens égyptiens, libanais, je me suis mis à l’oriental et leur rigueur technique, contrairement à nous. Donc j’avais ce don. J’ai participé à la première émission, à la Chaîne II, intitulée «Le music hall, à la radio». J’ai retrouvé au sein de l’orchestre, certains musiciens que je connaissais quand j’étais jeune. Ces musiciens ont été mes premiers auditeurs. Je me suis dit que s’ils me reconnaissent en tant que bon musicien, c’est que je peux apporter quelque chose. Cela m’a encouragé à aller de l’avant. Voilà comment je suis venu à la musique. C’est la musique qui m’a emmené à la langue kabyle, je tiens à le préciser. Ensuite, j’ai effectivement produit plusieurs émissions musicales à la Chaîne II. Une dizaine d’émissions de variétés, uniquement musicales. La dernière que j’ai commencée en 1984 et terminée en 2004, c’était l’émission des chanteurs amateurs, autrement dit les chanteurs de demain, qu’on connaît aujourd’hui. Parmi eux, je peux citer Mohamed Allaoua, Nadia Baroud, Brahim Tayeb, Nada Ruhan, Zohra, Hakim Tidaf, Karim Yeddou, Hamid Almas, Kamel Imoula, Boualem Boukacem et beaucoup d’autres. J’ai, durant cette vingtaine d’années, auditionné environ 10.000 jeunes. A la discothèque de la Radio, il y a environ 300 chanteurs valables, même si la plupart n’ont pas émergé, mais ils le seront sans doute, comme moi, plus tard.
Votre actualité est donc faite aujourd’hui de la sortie de trois volumes de CD retraçant votre carrière musicale. Pourriez-vous nous dire ce que nous pouvons retrouver sur ces CD?
Le premier volume est sorti début mai 2007, le deuxième, en octobre 2007 et le dernier, courant avril 2008. En tout, il y a 20 chansons et un instrumental. La première chanson a été enregistrée en décembre 1969. L’avant-dernière en 1981. Puis, je me suis arrêté pour me consacrer aux émissions de radio. En 1998, j’ai fait une chanson qui figure sur le premier CD. Cela est le répertoire qui existe à la Radio. Ce sont toutes mes anciennes chansons qui datent de 1969 à 1981, sauf une qui date de 1998. Ces trois CD sont disponibles sur le marché et édités chez Maâtkas Musique. Comme je vous l’ai dit, je ne pensais jamais éditer. Pourquoi? Parce que j’ai été piraté et d’une manière un peu spéciale. On pirate en général celui qui a été édité. Le pirate ou les pirates ont eu accès à la Radio.Cela m’a agréablement surpris. Cela voulait dire que ma musique marchait. Ces pirates avaient devancé les éditeurs. Avec la sortie de ces trois albums, avec des CD pressés, en plus d’une belle jaquette, en noir et blanc -la réminiscence de ma jeunesse- les pirates ne me piratent plus. Puisqu’ils m’ont piraté avec un MP3, d’une qualité douteuse, ils ne pourront plus le refaire. Je les ai devancés. En noir et blanc, aussi pour répondre à certains qui se trompent en disant que les anciens sont dépassés. Pour preuve, les chansons modernes que j’ai composées datent de 1974. Je suis quelqu’un qui touche à tout. Quand j’étais jeune je me suis lancé un défi, d’ailleurs, il y a une chanson qui parle de ça. Je considérais que ce que je faisais quand j’étais jeune était beau, et que les gens n’étaient pas réceptifs. Je me suis toujours dit, viendra le jour où ils me comprendront en retard. C’est arrivé puisqu’aujourd’hui, on me demande d’éditer ces oeuvres, que ce soit le public ou mes collègues, artistes ou amis.
Vous travaillez aussi à la Télévision.
Oui, j’apporte mes connaissances sur le plan artistique à plusieurs émissions télé et plateau.
Que pensez-vous de la chanson kabyle d’aujourd’hui?
Je suis optimiste. Même s’il ne reste que cinq chanteurs, ces derniers pourront apporter quelque chose à la chanson kabyle. Ce qui me désole, et je ne veux pas empêcher les gens de s’exprimer, ils ont le droit de chanter ce qu’ils veulent, le non-stop et les reprises; mais ce qui me fait peur, c’est le fait d’oublier la création. Or, les anciens, composaient des chansons. Ceux d’aujourd’hui, pour la plupart, cherchent à faire des reprises, soi-disant en hommage à tel ou tel. C’est au détriment de la création. C’est cela qui me fait mal. Aux chanteurs qui font ravage aujourd’hui, je leur pose la question: est-ce que la génération future dans 30 ans, leur rendra hommage et les découvrira comme nous avons été découverts jadis? Pour ce faire, il faut qu’ils commencent à y penser dès maintenant. Voilà le message que je veux passer aux jeunes.La chanson kabyle n’est pas malade, mais ce sont certains chanteurs qui le sont. Il faut bannir la médiocrité pour que fleurisse la qualité. Ceux qui sont valables se reconnaîtront d’eux-mêmes. Je préfère ne citer personne. J’ai donné mon avis pendant vingt ans. J’étais seul juge, dans mon émission. Je crains qu’en disant à quelqu’un, tu es très bien, qu’il se repose sur ses acquis et ne cherchera plus à s’améliorer et, par conséquent, stagnera...
Vos projets?
Nous ne sommes pas en train d’enregistrer. On est en train de préparer des chansons pour la grande Nouara, dans un atelier et ce, depuis deux ans, avec la participation de Abdelmajid Bali, le parolier et moi-même. On est arrivé à sept chansons. Je peux dire que dans une année, nous serons fin prêts. Parce que nous, on travaille doucement mais sûrement. Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel. Il fera la grande joie de tous ceux qui aiment Nouara.
Propos recueillis par O. HIND
Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel», nous confia l’artiste.
Auteur-compositeur, interprète et producteur d’émissions, Medjahed Hamid est né le 6 février 1949 à Alger (la Casbah). Il capitalise un répertoire de 34 chansons à la Radio Chaîne II. Sa première chanson a été enregistrée le 29 décembre 1969 et la dernière le 20 juin 1998. Ses chansons ont été enregistrées à la RTA sous la direction de différents chefs d’orchestre: le regretté Maâti Bachir, Aliane Touhami, Teysir Akla, Mahmoud Aziz, Abdellah Kriou, Mohamed Mokhtari, Kamal Hamadi et Mohamed Guechoud. Il a composé des musiques à de nombreux artistes dont Nouara, Djida, Mouloud Habib, les regrettés Dahbia et Taous, Aït Meslayen, Karima, Meziane Rachid, Ouardia Aïssaoui et Nada Rihane. Il a produit, en outre, plusieurs émissions de variétés à la Radio Chaîne II dont la dernière Les chansons de demain de 1984 à 2004. Par cette émission, il a découvert plusieurs chanteuses et chanteurs...Enfin, il vient d’éditer chez Maâtkas Musique et ce, pour la première fois après 37 ans de carrière, trois volumes CD+K7. Dans cet entretien, Medjahed Hamid revient sur cette riche carrière et évoque avec nous ses projets et donne son point de vue sur la chanson kabyle d’aujourd’hui.
L’Expression: Vous êtes musicien, compositeur de chansons kabyles et pas seulement. Vous venez, après plusieurs années dans la musique, d’enregistrer trois CD. Pourquoi maintenant?
Medjahed Hamid: L’édition de ces trois volumes est venue suite à la demande du public. Je n’ai jamais pensé éditer, pour des questions de principe. J’ai commencé en 1969. D’ailleurs, le directeur de L’Expression et moi-même nous nous connaissons depuis cette date. Il a suivi tous les galas qu’on avait faits dans le temps. Je ne me considère pas comme un chanteur à vocation commerciale. Je pratique l’art pour l’art. J’ai la chance d’avoir mes fonctions ailleurs, en dehors de la musique. J’ai travaillé dans des ministères, des compagnies françaises, notamment de pétrole...
Et comment êtes-vous venu à la musique?
Ce sont les notes de musique qui sont venues à moi. En sortant de l’école, j’ai entendu des sonorités dans un endroit, aux environs de la Casbah, où il y avait des anciens musiciens qui jouaient. J’allais souvent y assister. J’avais 7 ans. C’est comme ça que j’ai été attiré par la musique. Je suis plus versé dans la composition musicale que dans la poésie ou l’écriture. Je suis kabyle né à Alger. J’ai commencé à m’exprimer en kabyle, à l’âge de 20 ans. Au début, je m’intéressais beaucoup plus à la chanson algéroise, du style Amar Ezzahi, Boudjemaâ El Ankis, El Anka. Au fur et à mesure que j’avançais en âge, j’approfondissais mes connaissances en matière musicale par la lecture de livres. Je joue de tous les instruments à cordes, à part le violon et un peu le piano. Je me suis mis à apprendre le solfège, à fréquenter des musiciens, à connaître les modes, à écouter l’oriental, l’occidental. J’ai découvert les Jean Ferrat, Cat Steven, Faïrouz, Blaoui Houari, Mahboub Bati, que Dieu ait son âme. Chérif Kheddam pour le kabyle. Grâce à lui, j’ai découvert qu’il existait de grands compositeurs kabyles. Chose que j’ignorais. C’est à ce moment que je me suis demandé qui j’étais, d’où je venais? et j’ai décidé d’apprendre la langue kabyle. Je maîtrisais déjà la composition musicale.
Et la composition est venue comment?
Par l’amour de la musique, de la recherche et de la création. J’ai commencé par le chaâbi puis j’ai découvert de grands noms de musiciens égyptiens, libanais, je me suis mis à l’oriental et leur rigueur technique, contrairement à nous. Donc j’avais ce don. J’ai participé à la première émission, à la Chaîne II, intitulée «Le music hall, à la radio». J’ai retrouvé au sein de l’orchestre, certains musiciens que je connaissais quand j’étais jeune. Ces musiciens ont été mes premiers auditeurs. Je me suis dit que s’ils me reconnaissent en tant que bon musicien, c’est que je peux apporter quelque chose. Cela m’a encouragé à aller de l’avant. Voilà comment je suis venu à la musique. C’est la musique qui m’a emmené à la langue kabyle, je tiens à le préciser. Ensuite, j’ai effectivement produit plusieurs émissions musicales à la Chaîne II. Une dizaine d’émissions de variétés, uniquement musicales. La dernière que j’ai commencée en 1984 et terminée en 2004, c’était l’émission des chanteurs amateurs, autrement dit les chanteurs de demain, qu’on connaît aujourd’hui. Parmi eux, je peux citer Mohamed Allaoua, Nadia Baroud, Brahim Tayeb, Nada Ruhan, Zohra, Hakim Tidaf, Karim Yeddou, Hamid Almas, Kamel Imoula, Boualem Boukacem et beaucoup d’autres. J’ai, durant cette vingtaine d’années, auditionné environ 10.000 jeunes. A la discothèque de la Radio, il y a environ 300 chanteurs valables, même si la plupart n’ont pas émergé, mais ils le seront sans doute, comme moi, plus tard.
Votre actualité est donc faite aujourd’hui de la sortie de trois volumes de CD retraçant votre carrière musicale. Pourriez-vous nous dire ce que nous pouvons retrouver sur ces CD?
Le premier volume est sorti début mai 2007, le deuxième, en octobre 2007 et le dernier, courant avril 2008. En tout, il y a 20 chansons et un instrumental. La première chanson a été enregistrée en décembre 1969. L’avant-dernière en 1981. Puis, je me suis arrêté pour me consacrer aux émissions de radio. En 1998, j’ai fait une chanson qui figure sur le premier CD. Cela est le répertoire qui existe à la Radio. Ce sont toutes mes anciennes chansons qui datent de 1969 à 1981, sauf une qui date de 1998. Ces trois CD sont disponibles sur le marché et édités chez Maâtkas Musique. Comme je vous l’ai dit, je ne pensais jamais éditer. Pourquoi? Parce que j’ai été piraté et d’une manière un peu spéciale. On pirate en général celui qui a été édité. Le pirate ou les pirates ont eu accès à la Radio.Cela m’a agréablement surpris. Cela voulait dire que ma musique marchait. Ces pirates avaient devancé les éditeurs. Avec la sortie de ces trois albums, avec des CD pressés, en plus d’une belle jaquette, en noir et blanc -la réminiscence de ma jeunesse- les pirates ne me piratent plus. Puisqu’ils m’ont piraté avec un MP3, d’une qualité douteuse, ils ne pourront plus le refaire. Je les ai devancés. En noir et blanc, aussi pour répondre à certains qui se trompent en disant que les anciens sont dépassés. Pour preuve, les chansons modernes que j’ai composées datent de 1974. Je suis quelqu’un qui touche à tout. Quand j’étais jeune je me suis lancé un défi, d’ailleurs, il y a une chanson qui parle de ça. Je considérais que ce que je faisais quand j’étais jeune était beau, et que les gens n’étaient pas réceptifs. Je me suis toujours dit, viendra le jour où ils me comprendront en retard. C’est arrivé puisqu’aujourd’hui, on me demande d’éditer ces oeuvres, que ce soit le public ou mes collègues, artistes ou amis.
Vous travaillez aussi à la Télévision.
Oui, j’apporte mes connaissances sur le plan artistique à plusieurs émissions télé et plateau.
Que pensez-vous de la chanson kabyle d’aujourd’hui?
Je suis optimiste. Même s’il ne reste que cinq chanteurs, ces derniers pourront apporter quelque chose à la chanson kabyle. Ce qui me désole, et je ne veux pas empêcher les gens de s’exprimer, ils ont le droit de chanter ce qu’ils veulent, le non-stop et les reprises; mais ce qui me fait peur, c’est le fait d’oublier la création. Or, les anciens, composaient des chansons. Ceux d’aujourd’hui, pour la plupart, cherchent à faire des reprises, soi-disant en hommage à tel ou tel. C’est au détriment de la création. C’est cela qui me fait mal. Aux chanteurs qui font ravage aujourd’hui, je leur pose la question: est-ce que la génération future dans 30 ans, leur rendra hommage et les découvrira comme nous avons été découverts jadis? Pour ce faire, il faut qu’ils commencent à y penser dès maintenant. Voilà le message que je veux passer aux jeunes.La chanson kabyle n’est pas malade, mais ce sont certains chanteurs qui le sont. Il faut bannir la médiocrité pour que fleurisse la qualité. Ceux qui sont valables se reconnaîtront d’eux-mêmes. Je préfère ne citer personne. J’ai donné mon avis pendant vingt ans. J’étais seul juge, dans mon émission. Je crains qu’en disant à quelqu’un, tu es très bien, qu’il se repose sur ses acquis et ne cherchera plus à s’améliorer et, par conséquent, stagnera...
Vos projets?
Nous ne sommes pas en train d’enregistrer. On est en train de préparer des chansons pour la grande Nouara, dans un atelier et ce, depuis deux ans, avec la participation de Abdelmajid Bali, le parolier et moi-même. On est arrivé à sept chansons. Je peux dire que dans une année, nous serons fin prêts. Parce que nous, on travaille doucement mais sûrement. Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel. Il fera la grande joie de tous ceux qui aiment Nouara.
Propos recueillis par O. HIND
lAqlalas ou l’œuvre littéraire qui résiste à l’épreuve de l’usure
Aqlalas ou l’œuvre littéraire qui résiste à l’épreuve de l’usure
La chanson kabyle a connu de nombreux cas de chanteurs qui, bien que leur talent ne soit pas à prouver, ont quitté la scène sans tambour battant, préférant se consacrer à d’autres domaines où il règne encore un peu de bon sens…Hassan Abassi, l’auteur de la célèbre chanson Ɛyiɣ di ddunit ɛyiɣ...je suis las de vivre, observant les engrenages ubuesques du monde de la chanson, s’est consacré totalement à la médecine.
Medjahed Hamid n’a-t-il pas choisi de laisser dans l’armoire son produit car convaincu de la cupidité des éditeurs ? En poète désenchanté, Si Moh de son côté préfère aujourd’hui s’occuper de sa petite épicerie dont il fait un gagne-pain et continue à écrire pour son propre plaisir. En dépit de ces retraites anticipées, ces chanteurs continuent à nous marquer, parfois avec un seul de leurs titres. Car un chef-d’œuvre résiste toujours à l’épreuve du temps. Qui ne se rappelle pas d’Aqlalas d’Assam Mouloud ? Qui ne s’est pas laissé émouvoir par cette chanson ? Dans sa courte carrière de chanteur, Assam Mouloud, aujourd’hui âgé autour de cinquante ans, a produit 14 chansons. Aqlalas dont il sera question dans cet article a été enregistrée à Alger en 1978 en compagnie d’un musicien et non des moindres : Mahboubati. Ce qui captive dans la chanson Aqlalas c’est nous semble t-il le mariage entre une modernité musicale très marquée et un très beau texte traditionnel. La mélodie qui habille le texte est jouée sur des notes de guitare sèche très harmonieuses, agréables à l’écoute. Le texte est d’une densité poétique remarquable. C’est d’ailleurs la marque principale des textes poétiques traditionnels, tant au niveau lexical, rhétorique et autres. Le poème Aqlalas a une facture poétique traditionnelle.
La chanson kabyle a connu de nombreux cas de chanteurs qui, bien que leur talent ne soit pas à prouver, ont quitté la scène sans tambour battant, préférant se consacrer à d’autres domaines où il règne encore un peu de bon sens…Hassan Abassi, l’auteur de la célèbre chanson Ɛyiɣ di ddunit ɛyiɣ...je suis las de vivre, observant les engrenages ubuesques du monde de la chanson, s’est consacré totalement à la médecine.
Medjahed Hamid n’a-t-il pas choisi de laisser dans l’armoire son produit car convaincu de la cupidité des éditeurs ? En poète désenchanté, Si Moh de son côté préfère aujourd’hui s’occuper de sa petite épicerie dont il fait un gagne-pain et continue à écrire pour son propre plaisir. En dépit de ces retraites anticipées, ces chanteurs continuent à nous marquer, parfois avec un seul de leurs titres. Car un chef-d’œuvre résiste toujours à l’épreuve du temps. Qui ne se rappelle pas d’Aqlalas d’Assam Mouloud ? Qui ne s’est pas laissé émouvoir par cette chanson ? Dans sa courte carrière de chanteur, Assam Mouloud, aujourd’hui âgé autour de cinquante ans, a produit 14 chansons. Aqlalas dont il sera question dans cet article a été enregistrée à Alger en 1978 en compagnie d’un musicien et non des moindres : Mahboubati. Ce qui captive dans la chanson Aqlalas c’est nous semble t-il le mariage entre une modernité musicale très marquée et un très beau texte traditionnel. La mélodie qui habille le texte est jouée sur des notes de guitare sèche très harmonieuses, agréables à l’écoute. Le texte est d’une densité poétique remarquable. C’est d’ailleurs la marque principale des textes poétiques traditionnels, tant au niveau lexical, rhétorique et autres. Le poème Aqlalas a une facture poétique traditionnelle.
MEDJAHED HAMID : L.excellence musicale
Hamid Medjahed , l’excellence musicale
En musicien chanteur compositeur de renommée, Hamid Medjahed , tout au long d’une carrière humble, discrète et effacée, s’est plutôt consacré à la promotion de la musique kabyle. Toute son attention s’est portée sur l’équilibre indispensable qui s’impose entre la voix, la musique et la thématique. Son répertoire personnel témoigne d’un travail fourni avec beaucoup d’adresse. Medjahed s’est distingué à ses débuts particulièrement par sa chanson combinée avec la voix de Taous Amrouche sur le rythme d’une berceuse. En effet, le compositeur, après une introduction distinctive, fait glisser dans une agréable continuité la voix majestueuse de la diva de la chanson kabyle. Il conclut le chant avec le célèbre appel d’un vieux conte de chez nous qui fait implorer la roche de s’élever encore plus haut pour voir apparaître la maison des parents de l’égarée. La sollicitation à l’élévation est en fait le symbole permanent dans notre culture toujours à la recherche invariant des horizons élancés vers la liberté. Tout au long du répertoire Medjahed domine justement cette quête de la liberté de toujours aller plus loin dans la perfection dans l’harmonie et les harmoniques. La plupart de ses chansons sont restées des enregistrements radio diffusées sur des intervalles par la Chaîne II. Une fois devenue à son tour le principal animateur de la célèbre émission radiophonique “Les Chanteurs de demain” “Icennayen uzekka”, après le maître Chérif Kheddam, Medjahed se fait intraitable et non complaisant. Il sait, lui, que la chanson est un domaine où on ne trompe pas où l’olifant n’a pas cours. Tout en mettant à l’aise les nombreux prétendants à une carrière artistique, Hamid n’hésite pas à stopper net un bruitage musical, non sans prodiguer les conseils d’arrangement et de redressement nécessaires. Grâce à cette attitude clairvoyante, nous disposons aujourd’hui d’une pléiade de bons chanteurs kabyles. Pour l’année 2007, Medjahed nous revient avec son unique album enfin mis sur le marché. L’engouement du public, ancien et nouveau, qui s’est rué sur cette œuvre musicale et artistique est l’expression de toute l’admiration qui lui est portée.
Ecouter ou réécouter Hamid Medjahed , c’est le plaisir d’entendre la très belle chanson kabyle.
Abdenour Abdessalamrevenir à la rubrique "Culture"
Medjahed Hamid, la renaissance de l'humble Maître
Hamid Medjahed : La renaissance de l’humble Maître
samedi 5 juillet 2008
par Halim Akli-->
Incontestablement, Hamid Medjahed est l’un des compositeurs qui ont su, par leurs créations, donner ses lettres de noblesse à la musique kabyle. Son nom reste, certes, étroitement lié à des œuvres monumentales mais aussi à des noms d’illustres artistes tels que la diva à la voix d’or, Nouara ou encore les légendes, plus que jamais vivantes que sont Matoub Lounès, Taous Amrouche, Ben Mohammed... Hamid Medjahed c’est enfin ce nom qui se confond intimement à la célèbre émission « Icennayen uzekka » (Chanteurs de demain) qu’il a animé d’une main de maître, vingt ans durant à la chaîne II de la radio algérienne, jamais complaisant mais généreux en enseignements. C’était une école pour les « graines de stars » qui, pour évaluer leurs capacités artistiques, s’y rendaient pour affronter le maître « omnipotent », craint mais adulé à la fois.
Ayant composé nombre des plus belles merveilles chantées par celle que d’aucuns n’hésitent à présenter comme la plus belle voix féminine de la chanson algérienne de tous les temps, Nouara en l’occurrence dont il parle avec des mots qui en disent long sur l’étendue de l’admiration qu’il lui voue : « ...Nouara représente la modernité et la belle voix. On ne retrouve pas beaucoup de voix comme la sienne dans la chanson kabyle et même dans la chanson algérienne », Hamid Medjahed dont la carrière s’étire sur une quarantaine d’années, possède cette particularité de n’avoir jamais mis sur le marché ses œuvres qui s’écoutaient jusque là, exclusivement sur les ondes de la radio qui les diffusaient sur des interstices. A ce propos, il s’explique sans faux-semblants : « ...Je n’ai jamais édité mes chansons en cassettes ou autre parce que je ne suis pas un commerçant. Je chante pour le public. L’argent tue l’âme de l’artiste. ». Trêve de réflexion, puis il reprend : « Tenez, si j’avais fais des cassettes à mes débuts, en voyant que cela me rapportait du pognon, j’en aurais produit le maximum d’albums. Pour y arriver, j’aurais composé du n’importe quoi. Moi j’ai un travail qui me nourrit, la musique c’est ce que je fais pour le plaisir car, j’estime qu’un artiste ne devient pas milliardaire, il est riche par son art »
Pourtant il vient de décider, enfin, d’éditer ses œuvres, toutes enregistrées à la radio sur près d’un demi-siècle, au grand bonheur de ses innombrables admirateurs qui pourront enfin savourer son art à leur guise et ne plus dépendre du « diktat » de la programmation au niveau de la radio. Cela signifie aussi le début d’une nouvelle page à écrire dans la carrière singulièrement effacée mais ô combien prodigieuse de l’un des auteurs compositeurs interprètes les plus humbles du pays.
Cela soulève tout de même la lancinante question de la qualité technique en deçà du niveau de qualité et de perfection qu’offrent les moyens d’enregistrement dont dispose l’industrie musicale contemporaine par rapport aux conditions matérielles et techniques dans lesquelles ces chefs-d’œuvre ont été fixés sur leurs supports au niveau de la radio, avec en sus, la tendance orchestrale de jadis, portée sur les grands orchestres. Le souci de rester authentique à ce qu’a toujours connu son public qui l’adulait jusque-là, à travers sa voix diffusée par la radio, serait probablement au centre de ce choix : Offrir enfin, telles des fleurs, en bouquets, ses œuvres telles qu’elles ont été conçues et découvertes. « Oui, mais... » répliqueront certains qui soulignent la nécessité de voir Hamid Medjahed reprendre son bâton de pèlerin et rentrer dans un studio pour donner une nouvelle vie à ses chansons en les adaptant à l’évolution de notre époque.
Il est cependant inconcevable d’aller décortiquer ces anciens nouveaux produits de l’œuvre medjahedienne sans marquer une halte afin de signaler que cette série d’albums contiendra trois musiques et un texte inédits de Medjahed Hamid qui devaient être chantés par Matoub Lounès. Le texte est un hymne à la gloire du grand amour qui avait lié « Le Rebelle » à Djamila. En effet, quelques temps avant qu’il ne soit assassiné, Lounès sollicite Hamid Medjahed pour une collaboration, la reconnaissance et l’admiration étant d’une parfaite réciprocité entre deux titans de la chanson. Comme à l’accoutumée, il était question d’innover et de surprendre par la fusion des deux styles pour défier les limites de l’imaginaire et de la beauté et offrir à deux maîtres incontestés un temple artistique qui ne verra, hélas, jamais le jour. Ainsi auront décidé les chasseurs d’étoiles qui mettront un terme à la vie d’une légende qui accèdera depuis à l’éternité.
Le premier album « D-Kem » (C’est toi), sorti chez Maâtkas Music au milieu de l’année 2007 vient d’être suivi par un deuxième opus « Tagujilt » (L’orpheline) en ce début 2008 qui sera, à son tour, suivi par un troisième dans les prochains mois. Comme pour signifier l’éternelle jeunesse de l’œuvre, Hamid Medjahed décide d’apposer sur les jaquettes de tous les albums, la même illustration : la photo de ses vingt ans. Il conviendra de signaler que le socle musical de Hamid Medjahed s’inspire résolument de la pop-rock, en vogue durant les sixties et les seventies dans les milieux universitaires, intellectuels et de la jeunesse mais aussi de l’universel dit classique.
Le premier opus, frappé à juste titre de la mention « Enfin Medjahed Hamid », est une véritable béatitude pour les fans mais aussi pour tous les mélomanes épris de belles mélodies sous forme de ballades, de berceuses et autres. La poésie medjahedienne quant à elle, est d’une profondeur telle que l’émotivité est aussitôt convoquée. La thématique, aussi riche que bariolée, puise dans l’intemporel.
Des œuvres pérennes sont généreusement offertes au public à travers notamment le titre inaugural « D-Kem » (C’est toi) dans sa version originale qui, disons-le tout de suite, reste la plus célèbre des chansons de Hamid Medjahed. « D-Kem » a profondément marqué les générations qui l’ont vu naître, elle n’ensorcellera pas moins celles d’aujourd’hui qui la découvriront pour la première fois. Seule bémol côté sonorités serait peut-être l’orchestration de certains titres, dont l’enregistrement exclusivement radiophonique remonte à plusieurs décennies, quelque peu en décalage, dirions-nous, par rapport aux tendances actuelles portées essentiellement sur les rythmes autrement plus endiablés et qui pourrait constituer un semblant de ralentisseur à l’engouement des plus jeunes en proie à l’absence de toute campagne de promotion du produit.
« D-Kem » est donc un univers infini de sensibilité et d’émotion nostalgique qui bouleverse d’aucuns quand d’autres se surprendront dans une embarcation qui conjugue merveilleusement le passé au présent pour mieux se frayer une place dans le futur. « D-Kem » à l’instar de certaines chansons d’ailleurs a connu un remake musical et de nouveaux arrangements s’inscrivant dans l’universalité à travers une instrumentation réduite à quelques guitares sèches qui se donnent la réplique par des jeux d’arpèges aussi judicieux que gracieux, du solo et des accompagnements qui, par moment pour ne pas dire souvent, sont exécutés à la manière typiquement « kabyle ». Un patchwork des multiples voix de la guitare qui s’agrémente intelligemment tantôt des instruments pastoraux des hautes montagnes que sont la flûte et l’abendayer, tantôt du piano...
« D-Kem » c’est enfin une chanson d’amour qui ne manquera pas de raviver des souvenirs, voire des passions que le temps a fini par faire sombrer dans les méandres de la vie et de ses tourments.
Ensuite, vient « Ccah degnegh » (Bien fait pour nous), une œuvre critique sur ce qui en nous rend possible toutes les injustices et les dénis que nous subissons sans cesse. Le poète, sans verser dans les remontrances stériles et insolentes, incite les siens, avec des mots de tous les jours, à tenter un regarder introspectif pour déceler les tares, la négativité, la passivité et cette tendance annihiliste qui consiste à saper systématiquement tout initiative constructive au grand bonheur des ennemis qui s’en nourrissent :
Amek ar a kwen-id-sfehmegh / Comment vous l’expliquer
Wellah ar âewqegh / J’en suis confus
Macci dayen isehlen / Ce n’est guère une sinécure
Ayen ibanen iâerqegh / L’évidence nous échappe
Netsa zdatnegh / Quand elle se trouve devant nous
Netsmuqul ayen ibâden / Notre regard parti au loin
Macci akka i’grad fellagh / Ce n’était pas notre destin
Ass-a farqen-agh / D’être ainsi divisés
Tsadhsan degnegh iâdawen / nos ennemies en ricanent
Ccah degnegh / Bien fait pour nous.
La mesure glisse sensiblement vers la douceur avec « A yidh » (Nuit) qui, tel un fleuve, charrie inexorablement dans l’un des thèmes de prédilection du poète en mettant en scène le monde sombre et émouvant de la tristesse. « Idh » évoque le froid, la solitude, le souvenir de l’être cher disparu, la mort et l’attente :
Yexla wemkan i deg itellidh / Ta place est vide
Yehzen win i kem-id-yemektin / Triste est celui que ton souvenir hante
Kem s-ddaw tmedlin terkidh / Pendant que sous terre tu te consumes
Nek tsrugh, mektagh-ed lexyal im / A travers mes larmes, j’entrevoie ta silhouette
Ts’runt wallen iw / Mes yeux sont en larmes
Yahzen wul iw / Mon cœur affligé
« Imdhebren » (Les opineurs) dans sa version originale est un discours à l’encontre de « la chanson » elle-même avec qui l’auteur entretient une relation quasi charnelle qui est non sans rappeler Nedjma et Kateb ou encore « tayri umedyaz » d’Inasliyen que Djamal Amrani résume à sa manière dans « Vers l’Amont » (Ed. ENL, Alger - 1989) :
Une succion de bon-vouloir /
autour du vide disponible /
nous sommes /
entorse à l’inventaire /
mes vertèbres / Toi moi /
cousus vivants /
dans une même peau.
Dans son propos, « Imdhebren » met le doigt sur des charlatans et autres opineurs qui envahissent tous les espaces pour se décréter spécialistes, connaisseurs et décider de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas dans le monde de la chanson qui en accuse le coup en s’appauvrissant car garrotté et isolé du poète accusé d’impotence et de l’artiste calomnié. Pour autant, le maître refuse la fatalité puisque sur un ton qui se veut rassurant, celui-ci console son art en lui assenant sa vérité en guise d’espoir consistant à dire que, fort heureusement d’ailleurs, celui-ci dispose de nombreux érudits qui triompheront de la médiocrité ambiante pour lui redonner tout le prestige qui lui est du. La beauté de la mélodie fait de « Imdhebren » une œuvre qui n’a pas pris une seule ride ; sa thématique multidimensionnelle a, admirablement, résisté à l’érosion du temps qui passe.
C’est Ben Mohammed, une autre icône de la poésie et auteur de nombreux textes qui ont fait la renommée d’une pléiade d’artistes tel que « vava inouva » de Idir, qui signe, encore ici, « Helkegh ntarregh » (Je suis malade) ; une chanson émotionnelle faisant l’éloge à la beauté décrite par un cœur terrassé par un coup de foudre. Le réceptacle musical se veut classique et s’inscrit dans la lignée du Maestro Cherif Kheddam que Medjahed Hamid qualifie « d’école ». A ce propos, il se remémore encore avec beaucoup de fierté et non sans une petite note d’ironie lorsqu’il avait tenté la périlleuse « ... expérience de tester mes capacités dans le domaine de la composition musicale et voir si je pouvais faire comme Cherif Kheddam en composant quelques unes des chansons de Nouara ... ». Sa satisfaction fut entière quand il entendait, à chacune de leur diffusion, les animateurs de la radio en attribuer « paroles et musique » à l’auteur de « Lemri » (Le Miroir) !
« Tawes » est une berceuse qui fait intervenir la voix majestueuse, débordante d’énergie et d’une authenticité singulière de Taous Amrouche, cette autre grande diva qui a su exhumer de l’oubli une mémoire collective inestimable. Un hommage grandeur nature à la mesure du talent à l’étendue multiple d’une femme qui reste un repère éternel qui guidera les pas d’un peuple en quête permanente de son identité et de sa liberté. Meziane Rachid qui écrivit le texte conclut par une maxime populaire qui se fond intimement dans le nom de l’illustre auteur de « la colline oubliée » :
Yella walbaâdh / Untel existe
Yella ulac-it / Mais il est anonyme
Yella walbaâdh / Il est d’un autre
Ulac-it Yella / Même disparu, il est présent.
Enfin, le premier volume des œuvres de Medjahed Hamid s’achève avec une nouvelle version de « Lmut » (La mort) qui nous replonge dans une véritable procession de spectres jalonnant l’univers sombre de l’affliction avant l’amorce du dur processus de résilience. Le drame tragique de la mort qui, malgré sa fatalité, reste une épreuve par trop saillante dans la vie humaine pour s’en détourner.
Cet univers lugubre et éploré semble coller au recueil si bien que la mue vers le deuxième volume s’effectue dans un mouvement diligent qui coulisse sur le même registre à travers « Tagujilt » (L’orpheline), écrite par Aït-Amirat Nordine, qui s’entame par un prélude en istikhbar à la manière Medjahed qui ne ressemble à nulle autre. La voix veloutée et chaleureuse décrit le vécu difficile d’une orpheline abandonnée par sa fratrie et craignant les préjugés et l’anathème. Lui prêtant sa voix, la pupille interpelle son « sang » sur sa situation qu’exacerbe l’indifférence.
Continuant de voguer sur les chemins escarpés de l’impétuosité de la vie, « A yizri-w » (Mes larmes) sécrète des émanations mélancoliques qui, du reste, faisant partie intégrante de la thématique de l’œuvre mais qui atteint ici, dans « Tagujilt » et « A yizri-w » ses points culminants. La gracieuse mélodie est composée par l’un des pionniers de la chanson kabyle, Chikh Nordine en l’occurrence. Les arrangements exquis libèrent une volupté captivante par la finesse et la pureté de l’omniprésence de la guitare, instrument nodal dans l’œuvre medjahedienne :
A yizri-w azzel am tala / Ô larmes, coulez telle l’eau de la fontaine
A tadhsa ur yi-d-tsali / Ô rires, ne jaillissez point de mes entrailles
Di ssura-w tezdegh tawla / La fièvre a installé ses quartiers dans mon corps
Mi nâardh a nbedd a neghli / Vacillant à chaque mouvement
Ecrit par Meziane Rachid et mis en musique par Hamid Medjahed dans une instrumentation s’inscrivant en droite ligne des précédents airs avec une plus ample ambiance en raison d’un jeu d’accompagnement plus évident, « Lebghi » (Le bon vouloir) est, de ce point de vue, assez suggestive et pleine de réminiscence au point où l’ont est dans l’incapacité de ne pas sentir la remise à flot de « Aqcic d uâettar » (le garçon et le mendiant) du groupe Imazighen Imulla. La rupture est aussitôt prononcée en rompant avec le césarisme de la guitare sèche qui, dans « Abehri » (La brise) cède le champ à l’orchestre classique qui avait accompagné la quasi majorité des chanteurs ayant enregistré leurs œuvres au niveau de la radio. Une sorte de musique savante portant l’empreinte des orchestres orientaux de l’époque sur fond de folklore kabyle. La poésie quant à elle, charge le vent frais, léger et régulier de transmettre le message où il est question de supplice du à l’exil de celui qui est resté inconsolable en raison de l’éloignement et de l’absence de sa dulcinée.
Le glissement vers « Hader iman im » (Gare à toi) s’effectue progressivement pour puiser dans le registre des admonestations et des complaintes que sont autant de litanies que porte le patriarcat de l’homme sur le compte de l’épouse dans un langage qui révèle la complexité de la relation au sein du couple irrigué de traditions et d’us. L’épouse ainsi mise dans une situation paradoxale, est sommée de trancher devant un dilemme périlleux, unique cas où le libre choix, systématiquement dénié, lui est accordé.
Enfin, le second volume s’achève sur une note moins personnelle où l’on note cet engagement foncier et humble dans sa ténacité propre au répertoire medjahedien. L’identité, une justice égalitaire mais aussi, qualité d’artiste oblige, le renouveau de la chanson qui devra tendre en permanence vers l’idéal, sont entre autres credo qui transparaissent dans « Afus deg-gfus » (Union) qui est une sorte d’hymne dont la mélodie, encore une fois, porte la touche de Chikh Nordine, et élaborée sur une cadence se situant entre la berceuse et la ballade. Le barde exhorte son peuple à se rassembler en se dessaisissant des réflexes inhibiteurs qui l’ont confiné jusque là dans un statut d’assujetti et à faire face aux aléas de la vie qui bouleversent son quotidien et malmènent ses espérances. Le burnous, eu égard à sa symbolique dans la culture populaire, est mis à contribution dans une métaphore aussi circonspecte qu’expressive :
Lharma nnegh d abernus /
Le burnous est notre dignité
Afus deg-gfus /
Unissons-nous
Sakwit amdan ma yettes /
Éveillez l’inconscient
S-tegmats ad as-nalles /
Le renouveau émanera de la fraternité
Deux albums qui se savourent d’un seul trait et qui sont autant de promesses de nouvelles allégresses que les prochains volumes des « anciennes nouvelles » œuvres de Hamid Medjahed ne manqueront assurément pas de gratifier l’arène musicale nationale et, touche du maître oblige, d’en susciter des vocations.
Halim Akli-->
juillet 2008 par Halim Akli
samedi 5 juillet 2008
par Halim Akli-->
Incontestablement, Hamid Medjahed est l’un des compositeurs qui ont su, par leurs créations, donner ses lettres de noblesse à la musique kabyle. Son nom reste, certes, étroitement lié à des œuvres monumentales mais aussi à des noms d’illustres artistes tels que la diva à la voix d’or, Nouara ou encore les légendes, plus que jamais vivantes que sont Matoub Lounès, Taous Amrouche, Ben Mohammed... Hamid Medjahed c’est enfin ce nom qui se confond intimement à la célèbre émission « Icennayen uzekka » (Chanteurs de demain) qu’il a animé d’une main de maître, vingt ans durant à la chaîne II de la radio algérienne, jamais complaisant mais généreux en enseignements. C’était une école pour les « graines de stars » qui, pour évaluer leurs capacités artistiques, s’y rendaient pour affronter le maître « omnipotent », craint mais adulé à la fois.
Ayant composé nombre des plus belles merveilles chantées par celle que d’aucuns n’hésitent à présenter comme la plus belle voix féminine de la chanson algérienne de tous les temps, Nouara en l’occurrence dont il parle avec des mots qui en disent long sur l’étendue de l’admiration qu’il lui voue : « ...Nouara représente la modernité et la belle voix. On ne retrouve pas beaucoup de voix comme la sienne dans la chanson kabyle et même dans la chanson algérienne », Hamid Medjahed dont la carrière s’étire sur une quarantaine d’années, possède cette particularité de n’avoir jamais mis sur le marché ses œuvres qui s’écoutaient jusque là, exclusivement sur les ondes de la radio qui les diffusaient sur des interstices. A ce propos, il s’explique sans faux-semblants : « ...Je n’ai jamais édité mes chansons en cassettes ou autre parce que je ne suis pas un commerçant. Je chante pour le public. L’argent tue l’âme de l’artiste. ». Trêve de réflexion, puis il reprend : « Tenez, si j’avais fais des cassettes à mes débuts, en voyant que cela me rapportait du pognon, j’en aurais produit le maximum d’albums. Pour y arriver, j’aurais composé du n’importe quoi. Moi j’ai un travail qui me nourrit, la musique c’est ce que je fais pour le plaisir car, j’estime qu’un artiste ne devient pas milliardaire, il est riche par son art »
Pourtant il vient de décider, enfin, d’éditer ses œuvres, toutes enregistrées à la radio sur près d’un demi-siècle, au grand bonheur de ses innombrables admirateurs qui pourront enfin savourer son art à leur guise et ne plus dépendre du « diktat » de la programmation au niveau de la radio. Cela signifie aussi le début d’une nouvelle page à écrire dans la carrière singulièrement effacée mais ô combien prodigieuse de l’un des auteurs compositeurs interprètes les plus humbles du pays.
Cela soulève tout de même la lancinante question de la qualité technique en deçà du niveau de qualité et de perfection qu’offrent les moyens d’enregistrement dont dispose l’industrie musicale contemporaine par rapport aux conditions matérielles et techniques dans lesquelles ces chefs-d’œuvre ont été fixés sur leurs supports au niveau de la radio, avec en sus, la tendance orchestrale de jadis, portée sur les grands orchestres. Le souci de rester authentique à ce qu’a toujours connu son public qui l’adulait jusque-là, à travers sa voix diffusée par la radio, serait probablement au centre de ce choix : Offrir enfin, telles des fleurs, en bouquets, ses œuvres telles qu’elles ont été conçues et découvertes. « Oui, mais... » répliqueront certains qui soulignent la nécessité de voir Hamid Medjahed reprendre son bâton de pèlerin et rentrer dans un studio pour donner une nouvelle vie à ses chansons en les adaptant à l’évolution de notre époque.
Il est cependant inconcevable d’aller décortiquer ces anciens nouveaux produits de l’œuvre medjahedienne sans marquer une halte afin de signaler que cette série d’albums contiendra trois musiques et un texte inédits de Medjahed Hamid qui devaient être chantés par Matoub Lounès. Le texte est un hymne à la gloire du grand amour qui avait lié « Le Rebelle » à Djamila. En effet, quelques temps avant qu’il ne soit assassiné, Lounès sollicite Hamid Medjahed pour une collaboration, la reconnaissance et l’admiration étant d’une parfaite réciprocité entre deux titans de la chanson. Comme à l’accoutumée, il était question d’innover et de surprendre par la fusion des deux styles pour défier les limites de l’imaginaire et de la beauté et offrir à deux maîtres incontestés un temple artistique qui ne verra, hélas, jamais le jour. Ainsi auront décidé les chasseurs d’étoiles qui mettront un terme à la vie d’une légende qui accèdera depuis à l’éternité.
Le premier album « D-Kem » (C’est toi), sorti chez Maâtkas Music au milieu de l’année 2007 vient d’être suivi par un deuxième opus « Tagujilt » (L’orpheline) en ce début 2008 qui sera, à son tour, suivi par un troisième dans les prochains mois. Comme pour signifier l’éternelle jeunesse de l’œuvre, Hamid Medjahed décide d’apposer sur les jaquettes de tous les albums, la même illustration : la photo de ses vingt ans. Il conviendra de signaler que le socle musical de Hamid Medjahed s’inspire résolument de la pop-rock, en vogue durant les sixties et les seventies dans les milieux universitaires, intellectuels et de la jeunesse mais aussi de l’universel dit classique.
Le premier opus, frappé à juste titre de la mention « Enfin Medjahed Hamid », est une véritable béatitude pour les fans mais aussi pour tous les mélomanes épris de belles mélodies sous forme de ballades, de berceuses et autres. La poésie medjahedienne quant à elle, est d’une profondeur telle que l’émotivité est aussitôt convoquée. La thématique, aussi riche que bariolée, puise dans l’intemporel.
Des œuvres pérennes sont généreusement offertes au public à travers notamment le titre inaugural « D-Kem » (C’est toi) dans sa version originale qui, disons-le tout de suite, reste la plus célèbre des chansons de Hamid Medjahed. « D-Kem » a profondément marqué les générations qui l’ont vu naître, elle n’ensorcellera pas moins celles d’aujourd’hui qui la découvriront pour la première fois. Seule bémol côté sonorités serait peut-être l’orchestration de certains titres, dont l’enregistrement exclusivement radiophonique remonte à plusieurs décennies, quelque peu en décalage, dirions-nous, par rapport aux tendances actuelles portées essentiellement sur les rythmes autrement plus endiablés et qui pourrait constituer un semblant de ralentisseur à l’engouement des plus jeunes en proie à l’absence de toute campagne de promotion du produit.
« D-Kem » est donc un univers infini de sensibilité et d’émotion nostalgique qui bouleverse d’aucuns quand d’autres se surprendront dans une embarcation qui conjugue merveilleusement le passé au présent pour mieux se frayer une place dans le futur. « D-Kem » à l’instar de certaines chansons d’ailleurs a connu un remake musical et de nouveaux arrangements s’inscrivant dans l’universalité à travers une instrumentation réduite à quelques guitares sèches qui se donnent la réplique par des jeux d’arpèges aussi judicieux que gracieux, du solo et des accompagnements qui, par moment pour ne pas dire souvent, sont exécutés à la manière typiquement « kabyle ». Un patchwork des multiples voix de la guitare qui s’agrémente intelligemment tantôt des instruments pastoraux des hautes montagnes que sont la flûte et l’abendayer, tantôt du piano...
« D-Kem » c’est enfin une chanson d’amour qui ne manquera pas de raviver des souvenirs, voire des passions que le temps a fini par faire sombrer dans les méandres de la vie et de ses tourments.
Ensuite, vient « Ccah degnegh » (Bien fait pour nous), une œuvre critique sur ce qui en nous rend possible toutes les injustices et les dénis que nous subissons sans cesse. Le poète, sans verser dans les remontrances stériles et insolentes, incite les siens, avec des mots de tous les jours, à tenter un regarder introspectif pour déceler les tares, la négativité, la passivité et cette tendance annihiliste qui consiste à saper systématiquement tout initiative constructive au grand bonheur des ennemis qui s’en nourrissent :
Amek ar a kwen-id-sfehmegh / Comment vous l’expliquer
Wellah ar âewqegh / J’en suis confus
Macci dayen isehlen / Ce n’est guère une sinécure
Ayen ibanen iâerqegh / L’évidence nous échappe
Netsa zdatnegh / Quand elle se trouve devant nous
Netsmuqul ayen ibâden / Notre regard parti au loin
Macci akka i’grad fellagh / Ce n’était pas notre destin
Ass-a farqen-agh / D’être ainsi divisés
Tsadhsan degnegh iâdawen / nos ennemies en ricanent
Ccah degnegh / Bien fait pour nous.
La mesure glisse sensiblement vers la douceur avec « A yidh » (Nuit) qui, tel un fleuve, charrie inexorablement dans l’un des thèmes de prédilection du poète en mettant en scène le monde sombre et émouvant de la tristesse. « Idh » évoque le froid, la solitude, le souvenir de l’être cher disparu, la mort et l’attente :
Yexla wemkan i deg itellidh / Ta place est vide
Yehzen win i kem-id-yemektin / Triste est celui que ton souvenir hante
Kem s-ddaw tmedlin terkidh / Pendant que sous terre tu te consumes
Nek tsrugh, mektagh-ed lexyal im / A travers mes larmes, j’entrevoie ta silhouette
Ts’runt wallen iw / Mes yeux sont en larmes
Yahzen wul iw / Mon cœur affligé
« Imdhebren » (Les opineurs) dans sa version originale est un discours à l’encontre de « la chanson » elle-même avec qui l’auteur entretient une relation quasi charnelle qui est non sans rappeler Nedjma et Kateb ou encore « tayri umedyaz » d’Inasliyen que Djamal Amrani résume à sa manière dans « Vers l’Amont » (Ed. ENL, Alger - 1989) :
Une succion de bon-vouloir /
autour du vide disponible /
nous sommes /
entorse à l’inventaire /
mes vertèbres / Toi moi /
cousus vivants /
dans une même peau.
Dans son propos, « Imdhebren » met le doigt sur des charlatans et autres opineurs qui envahissent tous les espaces pour se décréter spécialistes, connaisseurs et décider de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas dans le monde de la chanson qui en accuse le coup en s’appauvrissant car garrotté et isolé du poète accusé d’impotence et de l’artiste calomnié. Pour autant, le maître refuse la fatalité puisque sur un ton qui se veut rassurant, celui-ci console son art en lui assenant sa vérité en guise d’espoir consistant à dire que, fort heureusement d’ailleurs, celui-ci dispose de nombreux érudits qui triompheront de la médiocrité ambiante pour lui redonner tout le prestige qui lui est du. La beauté de la mélodie fait de « Imdhebren » une œuvre qui n’a pas pris une seule ride ; sa thématique multidimensionnelle a, admirablement, résisté à l’érosion du temps qui passe.
C’est Ben Mohammed, une autre icône de la poésie et auteur de nombreux textes qui ont fait la renommée d’une pléiade d’artistes tel que « vava inouva » de Idir, qui signe, encore ici, « Helkegh ntarregh » (Je suis malade) ; une chanson émotionnelle faisant l’éloge à la beauté décrite par un cœur terrassé par un coup de foudre. Le réceptacle musical se veut classique et s’inscrit dans la lignée du Maestro Cherif Kheddam que Medjahed Hamid qualifie « d’école ». A ce propos, il se remémore encore avec beaucoup de fierté et non sans une petite note d’ironie lorsqu’il avait tenté la périlleuse « ... expérience de tester mes capacités dans le domaine de la composition musicale et voir si je pouvais faire comme Cherif Kheddam en composant quelques unes des chansons de Nouara ... ». Sa satisfaction fut entière quand il entendait, à chacune de leur diffusion, les animateurs de la radio en attribuer « paroles et musique » à l’auteur de « Lemri » (Le Miroir) !
« Tawes » est une berceuse qui fait intervenir la voix majestueuse, débordante d’énergie et d’une authenticité singulière de Taous Amrouche, cette autre grande diva qui a su exhumer de l’oubli une mémoire collective inestimable. Un hommage grandeur nature à la mesure du talent à l’étendue multiple d’une femme qui reste un repère éternel qui guidera les pas d’un peuple en quête permanente de son identité et de sa liberté. Meziane Rachid qui écrivit le texte conclut par une maxime populaire qui se fond intimement dans le nom de l’illustre auteur de « la colline oubliée » :
Yella walbaâdh / Untel existe
Yella ulac-it / Mais il est anonyme
Yella walbaâdh / Il est d’un autre
Ulac-it Yella / Même disparu, il est présent.
Enfin, le premier volume des œuvres de Medjahed Hamid s’achève avec une nouvelle version de « Lmut » (La mort) qui nous replonge dans une véritable procession de spectres jalonnant l’univers sombre de l’affliction avant l’amorce du dur processus de résilience. Le drame tragique de la mort qui, malgré sa fatalité, reste une épreuve par trop saillante dans la vie humaine pour s’en détourner.
Cet univers lugubre et éploré semble coller au recueil si bien que la mue vers le deuxième volume s’effectue dans un mouvement diligent qui coulisse sur le même registre à travers « Tagujilt » (L’orpheline), écrite par Aït-Amirat Nordine, qui s’entame par un prélude en istikhbar à la manière Medjahed qui ne ressemble à nulle autre. La voix veloutée et chaleureuse décrit le vécu difficile d’une orpheline abandonnée par sa fratrie et craignant les préjugés et l’anathème. Lui prêtant sa voix, la pupille interpelle son « sang » sur sa situation qu’exacerbe l’indifférence.
Continuant de voguer sur les chemins escarpés de l’impétuosité de la vie, « A yizri-w » (Mes larmes) sécrète des émanations mélancoliques qui, du reste, faisant partie intégrante de la thématique de l’œuvre mais qui atteint ici, dans « Tagujilt » et « A yizri-w » ses points culminants. La gracieuse mélodie est composée par l’un des pionniers de la chanson kabyle, Chikh Nordine en l’occurrence. Les arrangements exquis libèrent une volupté captivante par la finesse et la pureté de l’omniprésence de la guitare, instrument nodal dans l’œuvre medjahedienne :
A yizri-w azzel am tala / Ô larmes, coulez telle l’eau de la fontaine
A tadhsa ur yi-d-tsali / Ô rires, ne jaillissez point de mes entrailles
Di ssura-w tezdegh tawla / La fièvre a installé ses quartiers dans mon corps
Mi nâardh a nbedd a neghli / Vacillant à chaque mouvement
Ecrit par Meziane Rachid et mis en musique par Hamid Medjahed dans une instrumentation s’inscrivant en droite ligne des précédents airs avec une plus ample ambiance en raison d’un jeu d’accompagnement plus évident, « Lebghi » (Le bon vouloir) est, de ce point de vue, assez suggestive et pleine de réminiscence au point où l’ont est dans l’incapacité de ne pas sentir la remise à flot de « Aqcic d uâettar » (le garçon et le mendiant) du groupe Imazighen Imulla. La rupture est aussitôt prononcée en rompant avec le césarisme de la guitare sèche qui, dans « Abehri » (La brise) cède le champ à l’orchestre classique qui avait accompagné la quasi majorité des chanteurs ayant enregistré leurs œuvres au niveau de la radio. Une sorte de musique savante portant l’empreinte des orchestres orientaux de l’époque sur fond de folklore kabyle. La poésie quant à elle, charge le vent frais, léger et régulier de transmettre le message où il est question de supplice du à l’exil de celui qui est resté inconsolable en raison de l’éloignement et de l’absence de sa dulcinée.
Le glissement vers « Hader iman im » (Gare à toi) s’effectue progressivement pour puiser dans le registre des admonestations et des complaintes que sont autant de litanies que porte le patriarcat de l’homme sur le compte de l’épouse dans un langage qui révèle la complexité de la relation au sein du couple irrigué de traditions et d’us. L’épouse ainsi mise dans une situation paradoxale, est sommée de trancher devant un dilemme périlleux, unique cas où le libre choix, systématiquement dénié, lui est accordé.
Enfin, le second volume s’achève sur une note moins personnelle où l’on note cet engagement foncier et humble dans sa ténacité propre au répertoire medjahedien. L’identité, une justice égalitaire mais aussi, qualité d’artiste oblige, le renouveau de la chanson qui devra tendre en permanence vers l’idéal, sont entre autres credo qui transparaissent dans « Afus deg-gfus » (Union) qui est une sorte d’hymne dont la mélodie, encore une fois, porte la touche de Chikh Nordine, et élaborée sur une cadence se situant entre la berceuse et la ballade. Le barde exhorte son peuple à se rassembler en se dessaisissant des réflexes inhibiteurs qui l’ont confiné jusque là dans un statut d’assujetti et à faire face aux aléas de la vie qui bouleversent son quotidien et malmènent ses espérances. Le burnous, eu égard à sa symbolique dans la culture populaire, est mis à contribution dans une métaphore aussi circonspecte qu’expressive :
Lharma nnegh d abernus /
Le burnous est notre dignité
Afus deg-gfus /
Unissons-nous
Sakwit amdan ma yettes /
Éveillez l’inconscient
S-tegmats ad as-nalles /
Le renouveau émanera de la fraternité
Deux albums qui se savourent d’un seul trait et qui sont autant de promesses de nouvelles allégresses que les prochains volumes des « anciennes nouvelles » œuvres de Hamid Medjahed ne manqueront assurément pas de gratifier l’arène musicale nationale et, touche du maître oblige, d’en susciter des vocations.
Halim Akli-->
juillet 2008 par Halim Akli
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