vendredi 15 août 2008

MEDJAHED HAMID entrevue

MEDJAHED HAMID À L’EXPRESSION«Chérif Kheddam me révéla la chanson kabyle...»21 Mai 2008 - Page : 20Lu 1176 fois

Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel», nous confia l’artiste.

Auteur-compositeur, interprète et producteur d’émissions, Medjahed Hamid est né le 6 février 1949 à Alger (la Casbah). Il capitalise un répertoire de 34 chansons à la Radio Chaîne II. Sa première chanson a été enregistrée le 29 décembre 1969 et la dernière le 20 juin 1998. Ses chansons ont été enregistrées à la RTA sous la direction de différents chefs d’orchestre: le regretté Maâti Bachir, Aliane Touhami, Teysir Akla, Mahmoud Aziz, Abdellah Kriou, Mohamed Mokhtari, Kamal Hamadi et Mohamed Guechoud. Il a composé des musiques à de nombreux artistes dont Nouara, Djida, Mouloud Habib, les regrettés Dahbia et Taous, Aït Meslayen, Karima, Meziane Rachid, Ouardia Aïssaoui et Nada Rihane. Il a produit, en outre, plusieurs émissions de variétés à la Radio Chaîne II dont la dernière Les chansons de demain de 1984 à 2004. Par cette émission, il a découvert plusieurs chanteuses et chanteurs...Enfin, il vient d’éditer chez Maâtkas Musique et ce, pour la première fois après 37 ans de carrière, trois volumes CD+K7. Dans cet entretien, Medjahed Hamid revient sur cette riche carrière et évoque avec nous ses projets et donne son point de vue sur la chanson kabyle d’aujourd’hui.

L’Expression: Vous êtes musicien, compositeur de chansons kabyles et pas seulement. Vous venez, après plusieurs années dans la musique, d’enregistrer trois CD. Pourquoi maintenant?

Medjahed Hamid: L’édition de ces trois volumes est venue suite à la demande du public. Je n’ai jamais pensé éditer, pour des questions de principe. J’ai commencé en 1969. D’ailleurs, le directeur de L’Expression et moi-même nous nous connaissons depuis cette date. Il a suivi tous les galas qu’on avait faits dans le temps. Je ne me considère pas comme un chanteur à vocation commerciale. Je pratique l’art pour l’art. J’ai la chance d’avoir mes fonctions ailleurs, en dehors de la musique. J’ai travaillé dans des ministères, des compagnies françaises, notamment de pétrole...

Et comment êtes-vous venu à la musique?

Ce sont les notes de musique qui sont venues à moi. En sortant de l’école, j’ai entendu des sonorités dans un endroit, aux environs de la Casbah, où il y avait des anciens musiciens qui jouaient. J’allais souvent y assister. J’avais 7 ans. C’est comme ça que j’ai été attiré par la musique. Je suis plus versé dans la composition musicale que dans la poésie ou l’écriture. Je suis kabyle né à Alger. J’ai commencé à m’exprimer en kabyle, à l’âge de 20 ans. Au début, je m’intéressais beaucoup plus à la chanson algéroise, du style Amar Ezzahi, Boudjemaâ El Ankis, El Anka. Au fur et à mesure que j’avançais en âge, j’approfondissais mes connaissances en matière musicale par la lecture de livres. Je joue de tous les instruments à cordes, à part le violon et un peu le piano. Je me suis mis à apprendre le solfège, à fréquenter des musiciens, à connaître les modes, à écouter l’oriental, l’occidental. J’ai découvert les Jean Ferrat, Cat Steven, Faïrouz, Blaoui Houari, Mahboub Bati, que Dieu ait son âme. Chérif Kheddam pour le kabyle. Grâce à lui, j’ai découvert qu’il existait de grands compositeurs kabyles. Chose que j’ignorais. C’est à ce moment que je me suis demandé qui j’étais, d’où je venais? et j’ai décidé d’apprendre la langue kabyle. Je maîtrisais déjà la composition musicale.

Et la composition est venue comment?

Par l’amour de la musique, de la recherche et de la création. J’ai commencé par le chaâbi puis j’ai découvert de grands noms de musiciens égyptiens, libanais, je me suis mis à l’oriental et leur rigueur technique, contrairement à nous. Donc j’avais ce don. J’ai participé à la première émission, à la Chaîne II, intitulée «Le music hall, à la radio». J’ai retrouvé au sein de l’orchestre, certains musiciens que je connaissais quand j’étais jeune. Ces musiciens ont été mes premiers auditeurs. Je me suis dit que s’ils me reconnaissent en tant que bon musicien, c’est que je peux apporter quelque chose. Cela m’a encouragé à aller de l’avant. Voilà comment je suis venu à la musique. C’est la musique qui m’a emmené à la langue kabyle, je tiens à le préciser. Ensuite, j’ai effectivement produit plusieurs émissions musicales à la Chaîne II. Une dizaine d’émissions de variétés, uniquement musicales. La dernière que j’ai commencée en 1984 et terminée en 2004, c’était l’émission des chanteurs amateurs, autrement dit les chanteurs de demain, qu’on connaît aujourd’hui. Parmi eux, je peux citer Mohamed Allaoua, Nadia Baroud, Brahim Tayeb, Nada Ruhan, Zohra, Hakim Tidaf, Karim Yeddou, Hamid Almas, Kamel Imoula, Boualem Boukacem et beaucoup d’autres. J’ai, durant cette vingtaine d’années, auditionné environ 10.000 jeunes. A la discothèque de la Radio, il y a environ 300 chanteurs valables, même si la plupart n’ont pas émergé, mais ils le seront sans doute, comme moi, plus tard.

Votre actualité est donc faite aujourd’hui de la sortie de trois volumes de CD retraçant votre carrière musicale. Pourriez-vous nous dire ce que nous pouvons retrouver sur ces CD?

Le premier volume est sorti début mai 2007, le deuxième, en octobre 2007 et le dernier, courant avril 2008. En tout, il y a 20 chansons et un instrumental. La première chanson a été enregistrée en décembre 1969. L’avant-dernière en 1981. Puis, je me suis arrêté pour me consacrer aux émissions de radio. En 1998, j’ai fait une chanson qui figure sur le premier CD. Cela est le répertoire qui existe à la Radio. Ce sont toutes mes anciennes chansons qui datent de 1969 à 1981, sauf une qui date de 1998. Ces trois CD sont disponibles sur le marché et édités chez Maâtkas Musique. Comme je vous l’ai dit, je ne pensais jamais éditer. Pourquoi? Parce que j’ai été piraté et d’une manière un peu spéciale. On pirate en général celui qui a été édité. Le pirate ou les pirates ont eu accès à la Radio.Cela m’a agréablement surpris. Cela voulait dire que ma musique marchait. Ces pirates avaient devancé les éditeurs. Avec la sortie de ces trois albums, avec des CD pressés, en plus d’une belle jaquette, en noir et blanc -la réminiscence de ma jeunesse- les pirates ne me piratent plus. Puisqu’ils m’ont piraté avec un MP3, d’une qualité douteuse, ils ne pourront plus le refaire. Je les ai devancés. En noir et blanc, aussi pour répondre à certains qui se trompent en disant que les anciens sont dépassés. Pour preuve, les chansons modernes que j’ai composées datent de 1974. Je suis quelqu’un qui touche à tout. Quand j’étais jeune je me suis lancé un défi, d’ailleurs, il y a une chanson qui parle de ça. Je considérais que ce que je faisais quand j’étais jeune était beau, et que les gens n’étaient pas réceptifs. Je me suis toujours dit, viendra le jour où ils me comprendront en retard. C’est arrivé puisqu’aujourd’hui, on me demande d’éditer ces oeuvres, que ce soit le public ou mes collègues, artistes ou amis.

Vous travaillez aussi à la Télévision.

Oui, j’apporte mes connaissances sur le plan artistique à plusieurs émissions télé et plateau.

Que pensez-vous de la chanson kabyle d’aujourd’hui?

Je suis optimiste. Même s’il ne reste que cinq chanteurs, ces derniers pourront apporter quelque chose à la chanson kabyle. Ce qui me désole, et je ne veux pas empêcher les gens de s’exprimer, ils ont le droit de chanter ce qu’ils veulent, le non-stop et les reprises; mais ce qui me fait peur, c’est le fait d’oublier la création. Or, les anciens, composaient des chansons. Ceux d’aujourd’hui, pour la plupart, cherchent à faire des reprises, soi-disant en hommage à tel ou tel. C’est au détriment de la création. C’est cela qui me fait mal. Aux chanteurs qui font ravage aujourd’hui, je leur pose la question: est-ce que la génération future dans 30 ans, leur rendra hommage et les découvrira comme nous avons été découverts jadis? Pour ce faire, il faut qu’ils commencent à y penser dès maintenant. Voilà le message que je veux passer aux jeunes.La chanson kabyle n’est pas malade, mais ce sont certains chanteurs qui le sont. Il faut bannir la médiocrité pour que fleurisse la qualité. Ceux qui sont valables se reconnaîtront d’eux-mêmes. Je préfère ne citer personne. J’ai donné mon avis pendant vingt ans. J’étais seul juge, dans mon émission. Je crains qu’en disant à quelqu’un, tu es très bien, qu’il se repose sur ses acquis et ne cherchera plus à s’améliorer et, par conséquent, stagnera...

Vos projets?
Nous ne sommes pas en train d’enregistrer. On est en train de préparer des chansons pour la grande Nouara, dans un atelier et ce, depuis deux ans, avec la participation de Abdelmajid Bali, le parolier et moi-même. On est arrivé à sept chansons. Je peux dire que dans une année, nous serons fin prêts. Parce que nous, on travaille doucement mais sûrement. Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel. Il fera la grande joie de tous ceux qui aiment Nouara.

Propos recueillis par O. HIND

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